12
07 2019

  .  Par Shirley DUTEIL-GIROIR

Rupture brutale des relations commerciales établies et durée du préavis

En France, des entreprises peuvent librement choisir leur partenaire commercial et décider d’établir une relation économique avec d’autres sociétés.
Dans la majorité des cas, les parties rédigent un contrat qui organisera la durée de la relation.

Il est fréquent de trouver des clauses de ce type :

« Durée du contrat :

 Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée prenant effet à compter de sa signature.

 Résiliation avec préavis :

 Il pourra être résilié sans motif et sans indemnité d’aucune sorte à tout moment à condition de respecter un préavis de 3 mois par l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception ou tout écrit ayant une valeur équivalente, adressé à l’autre partie. »

Ce type de clause peut-être dangereux car il ne tient pas compte des dispositions du nouvel article L. 442-1 II du code de commerce (ancien article L442-6 I 5° du code de commerce).

Ce texte prohibe ce qu’on appelle la pratique illicite de la rupture brutale des relations commerciales établies.

En France, il est en effet interdit de rompre brutalement même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale.

Le législateur considère que plus une relation commerciale dure dans le temps plus la durée de préavis de rupture de cette relation doit être importante.

Ce texte a pour but de protéger une partie au contrat qui se voit priver de cette relation dans un délai trop court ne lui permettant pas de s’organiser afin de faire face à cette rupture.

Cette disposition a été initialement conçue pour protéger les fournisseurs des déréférencements abusifs.

En tout état de cause, le délai de préavis qui doit être accordé à un partenaire commercial lorsque l’on souhaite rompre avec ce dernier est mouvant : Il s’allonge en fonction de la durée de la relation commerciale mais aussi au regard du contexte de la rupture, ainsi que des facteurs économiques, conjoncturels et sectoriels dans lesquels se trouvent les cocontractants.

Il est donc tout à fait dangereux de fixer dans le contrat, et à l’avance, une durée de préavis qui ne pourra que rarement correspondre à la réalité du préavis qui doit appliquer en cas de rupture.

A titre d’exemple, si un préavis de 6 mois est prévu au contrat, cela sera trop long pour les premières années de vie du contrat et bloquera de manière artificielle les cocontractants dans un partenariat qui ne leur convient pas. Si une partie ne se satisfait pas du partenariat établie et souhaite rompre la relation au bout de 8 mois, elle devra respecter le préavis de 6 mois, ce qui est un préavis disproportionné pour la durée du partenariat.

A l’inverse, au bout de 15 ans de relation, un préavis de six mois est insuffisant.

Ainsi, les clauses de résiliation dans les contrats doivent être soigneusement rédigées et prendre en compte les dispositions légales relatives à la rupture brutale des relations commerciales établies, ce qui n’est souvent pas le cas.

 

En tout état cause, le dispositif s’agissant de la pratique licite de rupture brutale des relations commerciales a été simplifié récemment.

Le législateur a considéré que l’interprétation jurisprudentielle du texte avait conduit à plusieurs dérives.

En effet, les juges avaient tendance à accorder des délais de préavis de plus en plus longs, ce qui avait pour effet d’imposer aux entreprises de rester en relation avec des partenaires pendant de très longs préavis quand bien même leur cocontractant n’offrait plus des conditions commerciales intéressantes par rapport aux conditions du marché.

Le texte a donc été modifié dans le but de trouver un nouvel équilibre des intérêts en présence et de permettre une meilleure concurrence des fournisseurs sans toutefois protéger de manière excessive certains acteurs économiques.

Désormais, celui qui rompt une relation commerciale ne pourra pas voir sa responsabilité engagée du chef d’une durée insuffisante de préavis, si un préavis d’au moins 18 mois a été accordé.

Par ailleurs, la règle qui existait prévoyant que la durée de préavis devait être doublée en cas de marque de distributeur a été supprimée.

Cela a deux conséquences :

Les contentieux dans ce domaine risquent de diminuer. En effet, il n’est désormais plus possible d’assigner en responsabilité un partenaire en réclamant un préavis de plus de 18 mois, ce qui était le cas auparavant. En effet, la jurisprudence tendait à admettre que dans certaines relations particulièrement longues des préavis de 24 mois, voire de 30 mois, pouvaient être accordés.

Aujourd’hui il n’est donc plus aussi intéressant d’engager une action en responsabilité sur le terrain de la rupture brutale parce que les délais auxquels un contractant peut prétendre sont moindres.

Néanmoins, cela crée aussi une sécurité juridique pour les cocontractants souhaitant rompre une relation commerciale établie en mettant fin à la pratique des très longs préavis bloquant de manière artificielle des partenaires dans une relation commerciale non satisfaisante.

En proposant que l’auteur d’une rupture ne puisse engager sa responsabilité si un préavis d’au moins 18 mois a été accordé, le législateur a instauré un plafond mettant fin aux délais de préavis proportionnés.

Cela signifie également qu’il est désormais possible de prévoir dans les contrats que le délai de préavis ne pourra excéder 18 mois.

En résumé, il est conseillé dans les contrats, de proposer un préavis se calculant en fonction de la durée de la relation et de préciser qu’il ne pourra pas excéder 18 mois.