15
03 2016

  .  Par Bertrand BRECHETEAU

Réforme du droit des contrats : une base du Code Napoléon de 1804 modifiée !

Afin de rendre plus lisibles et compréhensibles les dispositions du Code civil français, de les adapter aux évolutions de la jurisprudence et de la société mais aussi afin de tenir compte du contexte d’internationalisation des échanges, le législateur les a réformées, par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Cette réforme fait suite à des années de travail et d’échange et refont complétement les dispositions vieillissantes du Code civil en matière de contrat, de régime des obligations et de la preuve des obligations qui datait de 1804, époque napoléonienne.

L’architecture même du Code civil en la matière est revue autour de trois titres :

  • « Des sources d’obligations », comportant trois sous-titres « Le contrat », « La responsabilité extracontractuelle » et « Les autres obligations » ;
  • « Du régime général des obligations » ;
  • « De la preuve des obligations ».

Désormais, et sans lister l’ensemble des nouveautés apportées par cette réforme, nous pouvons d’ores et déjà noter :

  • le mot « convention » est systématiquement remplacé par celui de « contrat », supprimant la distinction parfois peu claire entre « convention » et « contrat » ;
  • il est désormais intégrée la notion de bonne foi dans les négociations et de secret de la négociation ;
  • une définition et un régime des pactes de préférence et des promesses unilatérales de contracter sont prévus mais en rupture avec la jurisprudence actuelle ;
  • il est introduit la notion de « devoir » précontractuel d’information, et non pas « obligation » comme cela ressortait de la jurisprudence récente ;
  • des dispositions propres au contrat conclu par voie électronique sont intégrées ;
  • la notion de « déséquilibre significatif » concernant les clauses non essentielles des contrats d’adhésion qui seront réputées non écrites, vient compléter le régime des clauses abusives dans les contrats de consommation et des clauses déséquilibrées touchant l’objet du contrat ou le prix dans les contrats entre professionnels ;
  • une gestion de « l’imprévision » dans les contrats donnant aux parties la possibilité de proposer la renégociation du contrat, et en cas d’échec ou de refus, la possibilité de demander soit « d’un commun accord » une adaptation du contrat par le juge soit par l’une des parties « de réviser le contrat ou d’y mettre fin à la date et aux conditions qu’il fixe » ;
  • une consécration de la liberté de mettre fin à un contrat à durée indéterminée ;
  • une consécration de l’obligation d’exécuter un contrat à durée déterminée jusqu’à son terme.

Cette réforme importante entrera en vigueur le 1er octobre 2016 et sera applicable à tous les contrats conclus à compter de cette date. Les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 resterons régis par le droit ancien.

Cependant, il est à noter que trois dispositions seront applicables à tous les contrats, y compris aux contrats en cours, dès le 1er octobre 2016 :

  • les alinéas 3 et 4 de l’article 1123 nouveau du Code civil relatif au pacte de préférence qui dispose :

« Art. 1123 :

Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.

Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.

Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir.

L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat. ».

  • Les articles 1158 et 1183 nouveaux du Code civil qui mettent en œuvre de nouvelles « actions interrogatoires » et qui disposent :

« Art. 1158 :

Le tiers qui doute de l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l’occasion d’un acte qu’il s’apprête à conclure, peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant est habilité à conclure cet acte.

L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le représentant est réputé habilité à conclure cet acte. ».

« Art. 1183 :

Une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé.

L’écrit mentionne expressément qu’à défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé. ».

  • Ainsi que certaines dispositions d’ordre public qui restent à déterminer.

Une nuance est à apporter quant à cette application à tous les contrats en cours dès le 1er octobre 2016 dans le cas où une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de ces dispositions : dans ce cas, l’ordonnance prévoit que « l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. » (Article 9 de l’ordonnance).

Nous aurons l’occasion de préciser ultérieurement ce que cette réforme va concrètement changer.