17
10 2023

  .  Par Aurélien BOUTELOUP

Peut-on encore éviter d’organiser des élections du CSE quand on emploie entre 11 à 20 salariés ?

Par un changement d’interprétation au cours de l’été 2023 confirmé le 29 septembre 2023, l’Administration met fin à une divergence d’interprétation de plus de 6 ans.

Désormais, dans les entreprises de 11 à 20 salariés, là où l’employeur pouvait se dispenser d’organiser l’intégralité des élections professionnelles, il doit désormais aller au bout du processus électoral même si aucun employé ne se porte candidat dans les 30 jours de l’information du personnel.

Retour sur cette évolution aux conséquences importantes.

Pour rappel, dès lors que les seuils d’effectif sont atteints – 11 salariés pendant 12 mois consécutifs – ou lors du renouvellement du Comité Social et Economique – lorsque le mandat des représentants du personnel arrive à terme –l’employeur doit prendre l’initiative de mise en œuvre du processus électoral.

La première étape pour l’employeur est d’informer le personnel et d’informer/inviter les organisations syndicales de cette mise en œuvre.

Dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés, une règle particulière bouscule cette première étape.

Ainsi, l’employeur n’invite les organisations syndicales à la négociation du protocole d’accord préélectoral (PAP) que si dans les 30 jours suivants l’information des salariés de l’organisation des élections, au moins un salarié s’est porté candidat aux élections (C. trav. Art. L.2314-5).

Les conséquences de cet article faisaient débat.

I. Les divergences d’interprétation de l’article L.2314-5 du code du travail

  • Pour certains, il fallait en déduire que l’employeur n’a pas à organiser les élections en l’absence de candidat. Il pouvait directement établir un procès-verbal de carence valable 4 ans.
  • Pour d’autres, il fallait en conclure que l’employeur n’avait pas à négocier le protocole d’accord préélectoral avec les organisations syndicales et qu’il pouvait fixer lui-même les modalités d’organisation des élections. Il fallait donc que le processus électoral se poursuive jusqu’au second tour.

Sur la base de ces deux interprétations, deux positions contradictoires étaient connues :

  • D’un côté, selon le Conseil constitutionnel, l’employeur doit tout de même mener à terme des élections professionnelles en l’absence de candidat dans un délai de 30 jours suivant l’information du personnel (décision du 21 mars 2018 n°2018-761 DC)
  • De l’autre, selon le Ministère du travail, dans une entreprise de 11 à 20 salariés, lorsqu’aucun salarié ne s’est porté candidat aux élections dans les 30 jours suivant la diffusion de l’information par l’employeur au personnel de l’organisation prochaine des élections, le processus électoral s’achève et les élections professionnelles n’ont pas à être organisées (QR Min. du 19 avril 2018).

Le CERFA relatif au PV de carence (CERFA n°15248*03) confirmait cette position de l’administration avec la formule suivante « aucun salarié ne s’est porté candidat aux élections dans le délai de 30 jours à compter de l’information du personnel de l’organisation des élections par l’employeur prévue par l’article L.2314-4 […] aucune élection n’a été organisée ».

  • En conséquence, jusqu’ici, le monde du droit se rangeait derrière la tolérance de l’administration pour cesser le processus électoral en l’absence de candidat.

 

Cette interprétation n’était toutefois pas sans risque. S’agissant d’une position administrative, un risque existait en cas de saisine du juge judiciaire que ce dernier écarte l’interprétation de l’Administration au profit de l’interprétation reprise par le Conseil constitutionnel.

 

La vigilance était donc de mise.

 

Ce débat est désormais clos.

II. L’alignement de l’Administration avec la position du Conseil Constitutionnel : la fin de 6 ans d’incertitude

Récemment, l’Administration a opéré un changement de positionnement. Elle considère que l’absence de candidat dans les 30 jours suivant l’information du personnel ne permet pas à l’entreprise de se passer des élections professionnelles.

En ce sens, l’Administration a mis à jour le CERFA le 8 août 2023 (renuméroté n°15248*05) pour prendre en compte l’évolution de son positionnement. Elle a également mis à jour le 29 septembre 2023 le site dédié aux élections professionnelles.

En opérant ce revirement, l’Administration se conforme à une lecture stricte de l’article L.2314-5 du code du travail ainsi qu’à la décision du Conseil Constitutionnel.

Il est donc nécessaire de modifier vos pratiques :

  • Si un salarié manifeste son intention d’être candidat dans les 30 jours, l’employeur doit procéder à l’information/invitation des organisations syndicales représentatives à négocier le protocole d’accord préélectoral.
  • A l’inverse, si aucun salarié ne manifeste son intention d’être candidat, l’employeur n’aura pas à négocier le protocole d’accord préélectoral avec les organisations syndicales. Il pourra fixer unilatéralement les modalités d’organisation des élections et devra en revanche poursuivre jusqu’à son terme le processus électoral.

 

6 ans plus tard, l’Administration a donc fermé la brèche qu’elle avait elle-même ouverte : si vous dépassez le seuil des effectifs ou arrivez au terme des mandats, vous devez désormais organiser un premier puis un second tour.

 

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