19
07 2023

  .  Par Camille MABI

Alerte Actualités RH : La remise en cause d’une convention de forfait jour !

Alerte Actualités RH : La remise en cause d’une convention de forfait jour !

Par deux arrêts rendus en date du 5 juillet 2023 (n° 21-23.222 et n°21-23.387) et publié au Bulletin, la Chambre sociale remet en cause la validité des conventions individuelles de forfait jours conclues sur la base de la convention collective des Prestataires de services et de l’Automobile.

Pourquoi ?! La convention collective des Prestations de Services prévoit un décompte par le salarié afin de suivre les jours travaillés, de congés et de RTT, un rappel des amplitudes horaires et des durées de repos ainsi qu’un entretien annuel où doit être évoqué la charge de travail, l’organisation du travail et l’amplitude des journées.

Celle de l’Automobile rappel les amplitudes ainsi que la charge quotidienne de travail doit être répartie de façon compatible avec la vie personnelle du salarié, prévoit que l’entreprise doit  mettre en œuvre un suivi individuelle régulier, charge à elle de trouver les indicateurs appropriés de la charge de travail, prévoit la mise en place d’un document de suivi des jours travaillés et un entretien afin d’évoquer la charge de travail et mettre les éventuelles actions correctives.

La Cour de cassation a jugé que de tels éléments :

  • ne permettent pas à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ;
  • ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Il ressort de cette analyse qu’un accord qui se borne à décrire les modalités du forfait d’une manière superficielle, encourt la nullité. Il s’en suit que pour être valide, l’accord collectif doit préciser les outils qui permettront à l’employeur de suivre régulièrement la charge de travail, de contrôler le temps de travail et de s’assurer du respect du temps de repos quotidien et hebdomadaire du salarié.

Concrètement, ça veut dire quoi ?!  

Une convention de forfait jour se fait sur deux niveaux :

  • Un accord collectif (convention collective ou accord d’entreprise) doit prévoir ce mode d’aménagement du temps de travail
  • et une convention individuelle doit être signée avec le salarié.

Par effet de cascade, la validité de la convention individuelle est consubstantielle à celle de la convention collective. Dès lors, toutes les conventions individuelles conclues sur la base de la convention collectives des prestataires de services sont nulles.

Conséquences :

  • La convention individuelle sera annulée par ricochet et le forfait sera rétroactivement anéanti.
  • Le contrat va basculer en contrat classique de 35 heures par semaines.
  • Le salarié pourra donc se prévaloir d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires et de dommages et intérêts pour le non-respect du droit au repos.

Le risque n’est pas neutre puisque les salariés peuvent former des demandes de rappels de salaire pour les trois dernières années.

D’autant plus que le salarié n’a pas à prouver chaque heure supplémentaire qu’il aurait réalisé mais seulement à apporter des éléments de nature à étayer sa demande.

Que faire ?!

Tant que cette carence de la convention collective n’est pas rectifiée, les salariés sont considérés être repassés aux 35 heures.

Il est possible de conclure un accord d’entreprise afin de prévoir les dispositions nécessaires, apportant des garanties suffisantes.

Pour le moment, impossible de savoir combien de temps les partenaires sociaux vont mettre à se saisir du sujet et à renégocier la convention collective sur ce point…

En attendant l’une de ces deux solutions, vous pouvez envisager de mettre en place un contrôle du temps de travail.

Et dans tous les cas, avant de mettre en œuvre une convention de forfait-jours, il est primordial de vérifier en amont que les dispositions conventionnelles offrent des garanties suffisantes pour assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés.