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06 2023

  .  Par Aurélien BOUTELOUP

Prime d’arrivée : un outil pour attirer et retenir de nouveaux talents à manier avec précaution

« Golden Hello » « Welcome Bonus » « prime de bienvenue » « prime darrivée » : voilà une pratique qui pourrait connaître un certain succès pour attirer de nouveaux talents dans son entreprise.

Arrivée des Etats-Unis, la Cour de cassation a apporté des précisions à cette pratique qui consiste à verser au salarié une prime à son arrivée en contrepartie de lengagement du salarié à ne pas démissionner pendant une certaine durée.

Pour que cette pratique conserve une force contraignante à légard du salarié, la Cour de cassation a validé la possibilité pour les employeurs de demander le remboursement partiel de cette prime dès lors que le salarié ne respecte pas son engagement.

En lespèce, un opérateur sur les marchés financiers sest vu verser 150 000 € à son arrivée en contrepartie de quoi il ne devait pas démissionner dans les 36 mois de sa prise de fonction. A défaut, le salarié devait rembourser la somme acquise au prorata du temps passé par celui-ci dans lentreprise.

La chambre sociale de la Cour de cassation a validé cette clause et condamné le salarié démissionnaireà rembourser 80 000€ sur les 150 000€ versés.

Une attention particulière doit être portée à la rédaction dune telle clause.

A linstar dune clause de dédit formation, qui permet de se faire rembourser les frais dune formation octroyée à un salarié sil démissionne dans un certain délai, il est impératif que la clause respecte des conditions strictes, aussi bien de forme que de fond :

S’agissant des conditions de forme, la clause de « remboursement de prime d’arrivée » doit :

1. Faire lobjet dune clause expresse qui précise la nature de lengagement, la contrepartie, et les modalités de remboursement.
2. Être conclue avant le début de son versement.

S’agissant des conditions de fond :

1. La clause ne sapplique pas en cas de rupture de lemployeur.

Larrêt en présence ne formule pas de précisions particulières sur ce point.

Toutefois, par analogie avec les clauses de dédit formation, il ne nous apparaît pas possible de prévoir une telle clause en cas de rupture du contrat pendant la période à linitiative de lemployeur (licenciement). Si une telle clause figure ou devait figurer dans vos contrats, elle aurait probablement un effet dissuasif pour le salarié tenté de se mettre en faute pour conserver la prime mais nen resterait pas moins inopposable.

Elle ne peut pas plus être activée en cas de rupture conventionnelle, à linstar de la jurisprudence concernant la clause de dédit formation (Cass. Soc. 15/03/2023 n°21-23.814) ainsi quen cas de rupture de la période dessai à linitiative de lemployeur (par analogie Cass. Soc. 05/06/2002 n°00-44.327).

En résumé, cette clause ne pourra quêtre activée en cas de démission, prise dacte produisant les effets dune démission, départ à la retraite ou rupture de la période dessai à linitiative du salarié (Cass. Soc. 5 juin 2002 n°00-44.327).

2. La prime darrivée doit être indépendante de la rémunération de lactivité du salarié ;
3. La clause doit prévoir une condition de présence pendant une certaine durée après son versement.

Cette durée ne doit pas avoir pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner.

Cela relève de lappréciation des juges du fond. En lespèce, la Cour de cassation a reconnu quune durée de 36 mois est valide en contrepartie de 150000.

A notre sens, cette durée doit être proportionnée avec le montant de la prime darrivée.

Lappréciation des juges du fond sera différente selon que vous accordez 40000€ en contrepartie dun engagement de ne pas démissionner de 3 ans ou 150000€.

4. La clause doit prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié naura pas passé dans lentreprise avant léchéance prévue.

Ainsi, il faut prévoir un diminution du remboursement en fonction du temps passé au sein de lentreprise.

Dans ces conditions, une telle clause ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté de travaildu salarié et peut ainsi être activée.

A défaut de respecter ces conditions, la clause est nulle en ce quelle porte atteinte à la liberté de travailler du salarié.

Lemployeur ne peut alors linvoquer pour demander le remboursement de la prime.

Si vous souhaitez un modèle de clause de « bienvenue », nhésitez pas à nous contacter.

Cass. Soc. 11 mai 2023 n°21-25.136