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12 2020

  .  Par Léa Delhommeau

L’opération de fusion-absorption ne constitue plus un rempart aux diverses poursuites engagées à l’encontre de la société absorbée

Au travers de deux décisions récentes, la Cour de cassation vient durcir sa position à l’encontre des sociétés absorbantes. Ces dernières ne sont désormais plus à l’abri d’être condamnées pour des faits accomplis par des sociétés absorbées et antérieurement à l’opération de fusion-absorption.

Dans un premier temps, la chambre commerciale dans une décision du 7 octobre 2020 a admis que le créancier d’une société absorbée à qui la fusion a été déclarée inopposable conformément à l’article L.236-14 du Code de commerce, conserve la possibilité de recouvrer sa créance antérieure à l’opération, en saisissant les fonds de la société absorbante alors même que celle-ci se trouve en redressement judiciaire. Ainsi, ni les procédures collectives ni l’opération de fusion-absorption ne font obstacle aux poursuites d’un créancier privilégié de la société absorbée sur les fonds de la société absorbante.

Dans un second temps, la chambre criminelle opère le 25 novembre 2020 un revirement de jurisprudence notable. En effet, traditionnellement, la Cour de cassation refusait, dans le cadre d’une fusion-absorption, de condamner pénalement une société absorbante pour des faits commis par la société absorbée en se référant notamment au principe de personnalité des peines. En effet, pour la Cour de Cassation, l’action publique s’éteignait à la suite de l’opération de fusion du fait de la dissolution de la société absorbée. Dans cette affaire, une société I avait été poursuivie du chef de destruction involontaire du bien appartenant à autrui suite à l’incendie de ses entrepôts de stockage d’archives ; la société I a ensuite été absorbée par une société M. La question posée à la Cour était de savoir si M pouvait être condamnée pour des faits commis par I. La cour de cassation répond par l’affirmative et admet le transfert de la responsabilité pénale de la société absorbée à la société absorbante.

Deux arguments principaux viennent justifier ce revirement : la nécessité de se conformer au droit communautaire et la nécessité d’harmoniser la position des juges nationaux en s’alignant avec les autres chambres de la Cour de cassation et le Conseil d’État.

Toutefois, cette décision est limitée à plusieurs niveaux :

  • elle ne s’applique qu’aux opérations de fusion entrant dans le champ d’application de la directive 78/855/CEE du 9 octobre 1978, autrement dit seulement aux fusions des sociétés anonymes, et des sociétés par actions simplifiées ;
  • cette décision n’a pas d’effet rétroactif, elle n’a donc vocation à s’appliquer qu’aux opérations de fusion postérieures au 25 novembre 2020.

Conclusion: Ces décisions semblent traduire une volonté de la Cour de cassation d’éviter que certaines sociétés aient recours à la procédure de fusion-absorption pour faire échec à diverses poursuites, aussi bien poursuites pénales que poursuites des créanciers. Plus largement, ces arrêts s’inscrivent dans une logique de lutte contre la fraude à la loi, lutte contre l’instrumentalisation de la procédure de fusion-absorption, mais également dans une logique de protection des créanciers.

Désormais les sociétés absorbantes devront faire preuve d’encore plus de vigilance quant au passé des sociétés qu’elles souhaitent absorber afin d’identifier les potentiels risques de contentieux : on devrait assister (et conseiller) un renforcement des audits avant fusion.