07
10 2016

  .  Par Pascal LAURENT

La procédure de licenciement pour inaptitude plus souple grâce à la Loi travail ? Le casse tête de l’obligation de reclassement s’invite à la problématique… Les employeurs membres d’un réseau de distribution peuvent s’inquiéter…

Nous l’avons dit, nous l’avions voulu, la procédure de reclassement et à défaut, de licenciement pour inaptitude des salariés devait être plus simple pour les employeurs…

Vœux pieux des juristes, des avocats, des syndicats d’employeurs ?

Oui, la nouvelle réglementation sur l’inaptitude à tous postes dans l’entreprise allègera les démarches obligatoires que l’employeur devait effectuer pour pouvoir licencier celui qui, malheureusement, était déclaré inapte à son poste et à tous postes dans l’entreprise. La loi allait se mettre au diapason de la réalité médicale et économique. C’est ce qu’a fait la « loi travail » du 6 août 2016 en précisant, après la Loi Rebsamen du 17 août 2015 qui ne visait quant à elle que les inaptitudes d’origine professionnelles (accidents du travail et maladies professionnelles), que dès lors qu’un médecin du travail déclare un salarié inapte à son poste et à tous postes dans l’entreprise, l’employeur est dispensé de recherche de reclassement.

Rappelons les dispositions légales : selon l’article L.1226-2 et l’article L.1226-10  du Code du travail, l’employeur avait, avant tout, une obligation de reclassement de son salarié inapte. Mais, face à un avis d’inaptitude à son poste et à tous postes, que doit faire l’employeur ? Avant la loi du 6 août 2016, il devait rechercher, malgré tout, un reclassement… Mission impossible, mais en cas de contestation, l’employeur devait prouver avoir tout mis en œuvre pour reclasser le salarié.

Avec la loi travail, la nouvelle rédaction des articles L. 1226-2-1 et L 1226-10 du Code du travail précise que l’obligation de reclassement est « réputée satisfaite » lorsque l’employeur a proposé « un emploi » correspondant aux exigences du médecin du travail.

Tout devient, semble-t-il, limpide dans le ciel des chefs d’entreprises. Deux bémols importants viennent, telle une douche froide, calmer nos ardeurs.

D’abord cette nouvelle obligation légale de la consultation des délégués du personnel, quelque soit le motif de l’origine de l’inaptitude (professionnelle ou non). C’est un motif d’inquiétude pour le juriste et encore plus pour l’avocat conseil des entreprises. Quid en cas d’oubli de l’employeur à l’organisation obligatoire des élections de délégués du personnel ?

L’employeur ne pourra pas se prévaloir ni d’une élection et d’une consultation de ses délégués conformément à la loi, ni d’un procès verbal de carence l’exonérant de son obligation de consultation. Le licenciement, au regard de la jurisprudence constante de la Cour de cassation sera ipso facto jugé sans cause réelle et sérieuse avec à la clé de lourds dommages et intérêts à la charge de l’employeur.

Ensuite, la Cour de cassation vient d’enfoncer le clou : sans contestation de l’avis du médecin du travail, le périmètre du reclassement d’un salarié n’est pas le statut juridique de l’employeur, mais la possibilité de permutation du personnel. Pour les franchisés, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà indiqué en 2014 qu’une solution similaire devait s’appliquer (Cass. Soc. 10 décembre 2014, n°13-18.679).

Mais, dans ce contexte, une récente décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation vient compléter ce précédent.

Ainsi par un arrêt du 22 septembre 2016, ladite Chambre sociale a jugé, à propos d’un salarié d’un établissement à l’enseigne « E. Leclerc », devenu inapte en une seule visite prononcée selon la procédure d’urgence en application des dispositions de l’article R.4624-31 du Code du travail, que, en l’absence de contestation de l’avis du médecin du travail, l’avis d’inaptitude s’imposait, et que l’employeur, ne démontrant pas son impossibilité de permutation du personnel avec d’autres entreprises appartenant au même réseau de distribution et ayant des activités, des objectifs et des emplois identiques, avait manqué à son obligation de reclassement, et, partant, que le licenciement se trouvait donc sans cause réelle et sérieuse.

(Cass. Soc. 22 septembre 2016, pourvoi n°15-13.849).

Attention donc aux sociétés membres d’un réseau de distribution. Face à une inaptitude, deux choses essentielles : d’abord la consultation des délégués du personnel à condition d’être à jour de ses obligations en la matière, et ensuite, interrogez toutes les autres sociétés de votre réseau.

Au final, est-ce réellement plus simple qu’avant ? Il faut en douter….