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10 2020

  .  Par Anne-Cécile MONNIER

Irrecevabilité de l’action en déchéance devant l’INPI en cas de connexité avec une action en contrefaçon portée devant le Tribunal Judiciaire.

INPI, 10 juillet 2020, DC20-0008/3319571/SGU

La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite loi PACTE) a ouvert l’étendue des actions dont le directeur de l’Institut National de la Propriété Intellectuel peut être amené à connaître.

Ainsi, il est désormais possible de former opposition à l’enregistrement d’un brevet, là où seules des observations pouvaient être formulées auparavant.

L’article L716-5 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit ainsi, depuis l’ordonnance du 13 novembre 2019 prise en application de la loi PACTE, une compétence exclusive au profit de l’INPI pour :

  • les demandes en nullité de marque fondées sur des motifs absolus de nullité (défaut de distinctivité, signe usuel, forme imposée par la nature du produit etc…)
  • les demandes en déchéance (défaut d’usage sérieux ; signe devenu usuel, signe devenu trompeur…)

Les Tribunaux Judiciaires (TJ) spécialisés restent pour leurs parts exclusivement compétents :

  • pour les demandes relatives aux marques autres que celles présentées ci-dessus, y compris lorsque les demandes portent également sur une question connexe de concurrence déloyale.
  • lorsque les demandes en nullité pour des motifs absolus ou en déchéance sont formées à titre principal ou reconventionnel par les parties de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du TJ (notamment une action en concurrence déloyale).
  • lorsque les demandes en nullité pour motif absolu ou en déchéance sont formées alors que des mesures probatoires, des mesures provisoires ou conservatoires ordonnées afin de faire cesser une atteinte à un droit de marque sont en cours d’exécution avant l’engagement d’une action au fond.

Une première décision a été rendue suite à une demande de déchéance introduite devant l’INPI. Le Directeur Général de l’INPI a considéré que la demande était irrecevable car elle présentait un caractère de connexité avec l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale introduite auparavant par la titulaire de la marque antérieure, attaquée en déchéance, devant le Tribunal Judiciaire de Marseille.

Le demandeur à la déchéance a tenté d’écarter l’irrecevabilité en faisant valoir que les services visés par la marque attaquée n’étaient pas invoqués dans le cadre de l’action pendant devant le Tribunal Judiciaire, et qu’il ne pouvait donc y avoir de connexité pour eux.

Le Directeur Général de l’INPI n’a pas suivi son argumentation en indiquant que même si les services, pour lesquels la déchéance était demandée, n’étaient pas invoqués dans le cadre de l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale, «l’article L716-5 du code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas un partage de compétence selon les motifs ou les produits invoqués au sein d’une même demande en nullité ou en déchéance, laquelle relève dans sa globalité de la compétence de l’INPI ou de celle du tribunal judiciaire ».

Cette solution est conforme au principe de bonne administration de la justice, qui sous-tend les règles applicables en cas de connexité ou de litispendance, et à la lettre de la loi.

Les prochaines décisions seront à regarder avec attention, et les avocats que nous sommes seront sans doute plus à l’aise dans cette pratique contentieuse que d’autres mandataires, moins habitués au jeu de la procédure et aux notions qu’elle comporte.