02
07 2018

  .  Par Arnaud GRANGER

Bitcoin : Le numérique rattrapé par la fiscalité

L’actualité a mis les crypto-monnaies sur le devant de la scène. Les journaux ont fait leur une sur l’envolée du cours du Bitcoin.

Le Bitcoin, l’ « ether », le « namecoin » ou le « litecoin » peuvent être définis comme la représentation d’une valeur entièrement virtuelle, créée au sein d’un réseau pair à pair, autrement dit d’une communauté d’internautes utilisant un même logiciel – il s’agit ici d’un logiciel libre ou « open source » – chaque utilisateur disposant d’un portefeuille dématérialisé retraçant des crédits et des débits identifiés par des clés numériques (Selon Romain Victor, rapporteur public).

Dans ses commentaires publiés en 2014 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFIP), l’administration fiscale a adopté une position rigoriste vis-à-vis des détenteurs de Bitcoin et autres « crypto-monnaies » : leur cession, même occasionnelle, relevait automatiquement des bénéfices non commerciaux. En cas de cession habituelle, les cessions relevaient du régime des bénéfices industriels et commerciaux.

La position de l’administration a été contestée et le Conseil d’Etat est venu donner son analyse dans une décision du 26 avril 2018 « Rycke ».

Les questions soulevées étaient nombreuses et les enjeux importants.

Il faut pouvoir déterminer quelle est la nature juridique du Bitcoin. Est-ce une monnaie, un bien meuble ? Le débat n’est pas nouveau car récemment, la Cour de justice de l’Union européenne ayant considéré que les échanges de devises traditionnelles contre des unités de Bitcoin sont exonérés de TVA sur le même fondement et au même titre que les opérations portant sur « les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux » (CJUE, 5e ch., 22 oct. 2015, aff. C-264/14, Skatteverket c/ David Hedqvist).

Ne peut-on pas non plus parler de jeux de hasard ? Le principe même du Bitcoin est l’absence de toute banque centrale. Il n’y a donc aucune garantie quant au cours et la possibilité de récupérer sa mise. Dès lors, si un contribuable réalise un gain, ce dernier ne peut-il pas être exonéré comme l’est le gain au jeu (lorsqu’il n’est pas exercé à titre habituel) ?

Enfin, la position de l’administration, qui dans sa sagesse préfère tout taxer tout de suite, est-elle conforme au droit applicable ?

Dans l’arrêt « Rycke », le Conseil d’Etat donne plusieurs enseignements :

  • sur la nature de la monnaie : il s’agit d’un bien meuble incorporel et non d’une monnaie ;
  • les plus-values réalisées par les particuliers à titre occasionnel doivent être taxées selon le régime des plus-values sur biens meubles prévu à l’article 150 UA du Code général des impôts : la plus-value brute est réduite d’un abattement pour durée de détention de 5% par an à compter de la deuxième année, soit une exonération au bout de 22 ans. En revanche, les moins-values ne sont pas prises en compte. La plus-value donne lieu à une imposition séparée au taux forfaitaire de 19% prévu à l’article 200 B du CGI, déclarée, liquidée et payée dans le délai d’un mois suivant la cession ;
  • Les plus-values dégagées par les « miners », c’est-à-dire les contribuables qui concourent au fonctionnement du système grâce à la fourniture de ressources informatiques, relèvent d’une intention lucrative et doivent être imposées en tant que BNC.
  • Les particuliers réalisant une vraie activité habituelle spéculative, le régime applicable est celui des BIC.

Le Conseil d’Etat vient ainsi contredire une partie de la position de l’administration. Les particuliers réalisant des plus-values occasionnelles ne relèvent pas automatiquement du régime BNC. Le régime des plus-values sur biens meubles présent un double intérêt :

  • Les transactions dont le prix de cession est inférieur à 5.000 € sont exonérées ;
  • Un abattement pour durée de détention pour la fraction imposable. Le produit est frappé par un taux unique de 19% auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux (17,2%), ce qui porte le taux effectif d’imposition à 36,2%.

La dernière question est de savoir jusqu’à quand ce régime sera applicable.