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08 2023
Rappel des pouvoirs de la DGGCCRF (répression des fraudes) en matière de e-commerce
Dans l’imaginaire collectif, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) est bien souvent associée à une administration en charge des contrôles sanitaires sur les marchés ou dans les restaurants.
Pour autant, d’autres missions bien moins connues et médiatisées lui sont confiées, au premier rang desquelles se trouve la vérification de la conformité des sites e-commerce.
En effet, le Code du commerce et le Code de la consommation permettent aux agents de cette administration d’enquêter sur les pratiques commerciales en ligne. Ils assurent ainsi, selon le Sénat, « des missions transversales essentielles à la protection du consommateur et de l’ordre public économique »[1] en vérifiant si les règles en vigueur sont bien appliquées par les e-commerçants.
[1] Rapport d’information du Sénat n° 903 (2021-2022), déposé le 28 septembre 2022.
Comment la DGCCRF contrôle-t-elle les sites internet ?
La répression des fraudes a pour objectif de sécuriser le commerce en ligne en s’assurant du respect du droit de la concurrence et du droit de la consommation sur internet.
Dans ce cadre, elle effectue des enquêtes et des contrôles, principalement à l’initiative de ses propres agents ou suite à des réclamations effectuées par des consommateurs.
Point spécifique : en matière de vente en ligne de produits ou de services, les enquêteurs de la DGCCRF peuvent utiliser une identité d’emprunt afin de suivre jusqu’à son terme un processus de commande sur un site e-commerce ou une marketplace. Ceci est prévu par l’article L. 450-3-2 du Code de commerce et par l’article L. 512-16 du Code de la consommation.
De ce fait, il s’agit d’un procédé relativement inédit permettant aux agents de l’Etat d’adopter une fausse identité (assimilable à de l’usurpation d’identité !) en vue d’enquêter et de constater des agissements illicites, y compris en achetant un ou plusieurs produits en ligne.
Quels sont les principaux points contrôlés par la DGCCRF sur les sites internet ?
Dans le cadre de la procédure susmentionnée, les agents peuvent récolter, via cette identité d’emprunt, différentes informations sur les sites internet afin de vérifier leur conformité au droit de la consommation et au droit commercial et notamment :
- Le contenu des conditions générales de vente et des clauses devant y être impérativement présentes. Il s’agit ici pour l’administration de s’assurer que les droits des consommateurs sont parfaitement respectés avec, notamment, un audit des délais de paiements affichés, des pénalités de retard, des conditions de livraison ou encore de la possibilité pour le consommateur d’exercer son droit de rétractation ;
- La présence ou non de produits ou de services qui, par leurs natures, seraient illégaux (non-respect des pratiques en matière de concurrence ; produits ou services dangereux ; vérification des pratiques commerciales des influenceurs etc.) ;
- Le respect des autres mentions obligatoires présentes sur le site (mentions légales, respect des règles en vigueur en matière d’achat en ligne etc.).
Enfin, et c’est à souligner, à compter du 1er septembre 2023, la DGCCRF est aussi en charge de vérifier le respect du principe de résiliation « en 3 clics » des contrats conclus en ligne[1].
[1] Tels que prévus par le décret n° 2023-182 du 16 mars 2023 relatif aux modalités techniques de résiliation et de dénonciation des contrats et règlements par voie électronique (pour les contrats d’assurance) et par le décret n° 2023-417 du 31 mai 2023 relatif aux modalités techniques de résiliation des contrats par voie électronique (pour les contrats de consommation).
Quelles sont les suites et les sanctions possibles en cas de non-conformité ?
Dans le cadre de ces enquêtes en ligne, les agents de la DGCCRF peuvent notamment obtenir des informations auprès des services publics et des agents de la police judiciaire.
Ils peuvent en outre, conformément à l’article L. 450-3 du Code de commerce, « pénétrer entre 8 heures et 20 heures dans tous lieux utilisés à des fins professionnelles et dans les lieux d’exécution d’une prestation de services ». En d’autres termes, une enquête débutée sur internet peut aboutir, en cas de suspicion de fraudes, à une enquête « physique » dans les locaux de la société gérant le site internet audité.
En tout état de cause, suite à une enquête en ligne des services de la répression des fraudes, plusieurs réponses ou sanctions sont possibles, en fonction de la gravité de l’anomalie constatée :
- La réponse pédagogique (l’avertissement) : en cas de défaillances mineures constatées par les enquêteurs sur un site internet, ceux-ci peuvent communiquer, par le biais d’un courrier, un avertissement à l’exploitant du site afin qu’il « corrige le tir » ;
- La réponse corrective: il s’agit ici pour la DGCCRF de mettre en demeure une société dont le site comporterait des anomalies jugées majeures. Ceci est formalisé via un courrier envoyé par lettre recommandée et assorti d’un délai afin que le professionnel se mette en conformité ;
- L’amende administrative : elle est prononcée par l’administration dès lors que la ou les anomalies constatées sont considérées comme graves. Cette amende peut être assortie d’une publication sur le site concerné de la décision de la DGCCRF.
- L’injonction numérique : véritable innovation prévue par la loi du 3 décembre 2020[1], l’injonction numérique permet, après la constatation d’une infraction en ligne et dès lors que le professionnel n’est pas identifiable ou ne se conforme pas à une première demande de cesser ses pratiques, l’affichage d’un message d’avertissement sur le site concerné, son déréférencement ou encore le blocage du nom de domaine qui lui est associé. Cette possibilité a d’ailleurs été validée par le Conseil constitutionnel par une décision du 21 octobre 2022.
Notons enfin que, dans les cas les plus graves, le procès-verbal établi par les services de la répression des fraudes peut être transmis au parquet en vue de demander au juge pénal de prononcer une amende ou une peine d’emprisonnement.
Autant d’éléments qui plaident en la faveur d’un audit et/ou d’une rédaction particulièrement soignée de la documentation contractuelle présente sur les sites e-commerce (CGV, CGU, mentions légales etc.) !
[1] Transposée notamment à l’article L. 521-3-1 du Code de la consommation.