02
08 2016

  .  Par Pascal LAURENT

Défenseurs syndicaux : professionnalisation ou non de la justice prud’homale ?

Défenseurs syndicaux : professionnalisation ou non de la justice prud’homale ?

L’article R.1453-2 du Code du travail était ainsi rédigé :

« Les personnes habilitées à assister ou à représenter les parties sont : …

2° Les délégués permanents ou non permanents des organisations d’employeurs et de salariés ; … ». La Justice prud’homale offrait ainsi cette particularité de permettre aux membres des organisations syndicales, permanents ou non, d’assister les salariés lors des procédures et des audiences.

Ainsi, toute personne membre d’une organisation syndicale, au sens où elle était adhérente et déléguée de ladite organisation, pouvait obtenir un mandat d’assistance des salariés devant les Conseils de prud’hommes.

Et, même si souvent les délégués syndicaux, défenseurs des salariés, étaient chevronnés aux procédures et étaient de redoutables plaideurs, ces dispositions spécifiques créaient aussi parfois des déséquilibres dans la défense des causes. Pouvaient ainsi s’entrechoquer l’amateurisme et le professionnalisme quand l’employeur avait recours à des avocats spécialistes qui s’opposaient ainsi à des militants pétris de convictions, mais novices en procédure et ne comprenant pas les subtilités de la règle de Droit…

La loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, plus célèbre sous l’intitulé de « loi Macron » , a engagé un processus de révision de la procédure prud’homale qui aboutit au décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, et au décret tant attendu n°2016-975 du 18 juillet 2016 relatif aux modalités d’établissement de listes, à l’exercice et à la formation des défenseurs syndicaux intervenant en matière prud’homale.

Le premier texte introduit ainsi une nouveauté importante dans l’article R.1453-2 du Code du travail puisque le « délégué permanent » est remplacé par « le défenseur syndical ».

Est ainsi né un nouveau statut : le défenseur syndical. Désigné par une organisation syndicale pour assister et défendre une partie devant les Conseils de prud’hommes et les Cours d’appel, les modalités de sa désignation et de ses attributions sont donc entrées en vigueur depuis le 21 juillet 2016 avec la publication du décret n°2016-975 du 18 juillet 2016.

Comment sont-ils désignés ? Ils sont choisis sur proposition des organisations d’employeurs et de salariés représentatives. Mais, ils doivent justifier d’une expérience des relations professionnelles, et de connaissances en Droit social. Une liste est ainsi établie par la DIRECCTE, les défenseurs syndicaux étant inscrits pour une durée de 4 ans (article D.1453-2-5 nouveau du Code du travail).

Ils peuvent être retirés de la liste ou radiés, notamment dans l’hypothèse d’une violation du secret professionnel ou s’ils demandent des émoluments pour l’exécution de leur fonction qui doit être exercée à titre gratuit (article D.1453-2-1 du Code du travail). L’employeur doit être avisé de la désignation des salariés sur les listes des défenseurs syndicaux, lesdits salariés devenant ainsi salariés protégés. Les salariés ainsi désignés bénéficient aussi de crédit d’heures pour l’exercice de leurs fonctions, ainsi que de temps pour leur formation (dans la limite de deux semaines, lesquelles sont rémunérées par les employeurs).

Il est donc important de relever que le législateur et le gouvernement ont entendus apporter un contrôle plus assidu dans la désignation du défenseur syndical, en exigent une compétence notamment juridique. Destinée sans doute à rééquilibrer le débat devant la juridiction du travail, cette réforme est aussi quelque part un pas de plus vers une justice prud’homale plus professionnelle et plus encadrée…